L’humiliation est quelque chose de subjectif ; cela dépend de nos représentations personnelles. Pour moi par exemple, ce qui me semble le plus humiliant ce n’est pas qu’ils aient pissé sur lui mais qu’ils l’aient mis tout nu. Au début le père de Mohammad avait honte de nous dire qu’ils lui avaient pissé dessus.
Maltraiter et martyriser des enfants a toujours été le point fort des soudards et flics israéliens dont le sadisme n’a d’égal que leur couardise...Il ne pouvait pas prononcer ces mots là tout haut, je crois que pour lui c’était la chose la plus humiliante qu’ils aient faite à son fils.
Quel genre de personnes, je me demandais, appréhendent un enfant de 13 ans et le torturent de la sorte. Et puis je me suis répondu : à peu près n’importe quel soldat israélien. N’importe quel soldat de l’armée israélienne se conduit ainsi avec les Palestiniens. N’importe qui, en fait, si les règles locales le permettent.
La première fois que je l’ai vu, c’était dans le hall numéro deux de la Cour militaire de "Ofer". C’est là qu’on juge les enfants : 20, 22, 23 enfants par jour. Les enfants et les adolescents arrivent par groupe de deux, trois et parfois quatre, en tenues de prisonnier marron, leurs pieds entravés, menottés à l’enfant suivant.
Je l’ai tout de suite remarqué parce qu’il avait les cheveux joliment bouclés, l’air très jeune et parce qu’il pleurait. Je ne veux pas dire que les autres enfants ne pleurent pas, du moins les plus jeunes. Mais, d’après ce que j’ai vu, ils pleurent rarement ouvertement ; lui, n’essayait même pas de retenir ses larmes ni de les cacher.
Le plus souvent ils sont conduits devant la Cour militaire pour qu’elle statue sur la prolongation de la garde. C’est la procédure, même pour les enfants. Peu importe ce dont ils sont accusés et la nature des preuves qui ont conduit à leur arrestation. De fait, quelque soit le rôle de cette Cour militaire, ce n’est certainement pas de trouver la vérité ni de décider de la punition adéquate. Surtout quand on sait que les arrestations sont effectuées au milieu de la nuit, généralement sur simple dénonciation de quelqu’un qui n’est souvent qu’un enfant lui-m. Ils sont accusés le plus souvent d’avoir lancé des pierres ou des cocktails Molotev improvisés. Et cela suffit pour les arrêter sans leur donner même la faculté d’être libérés sous caution, jusqu’à la fin de la procédure. Qui dure plusieurs mois. Au moins trois. Puis un jour on les juge et on les déclare presque toujours coupables. C’est le chef d’accusation qui tient lieu de preuve.