Je m'inquiète pour la suite et la répression qui va suivre.» | Kader ABDERRAHIM, |
Kader Abderrahim est chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques. Selon lui, «le régime de Ben Ali continue de jouer à l'autiste.» Il se dit inquiet pour la suite et «la répression qui va suivre».
Il fallait s'attendre à ces émeutes en Tunisie ?
« Les premiers symptômes sont apparus en décembre 2008 à Gafsa. Des émeutes ont été réprimées et le début de crise circonscrit. Ce qui arrive aujourd'hui était prévisible, il exprime un sentiment général d'une population qui en a assez des privations, de l'absence de libertés et de la mauvaise répartition des richesses. »
Les émeutes en Algérie sont de même nature ?
« Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le marasme social, l'absence de perspectives et de projet politique. C'est une crise systémique qui secoue les deux pays, où il n'y a plus de médiation entre les gouvernants et la population. Mais pour paraphraser Neruda, la Tunisie est une Algérie silencieuse, on n'y trouve pas la même tradition émeutière. En Algérie les émeutes se comptent par milliers chaque année, pour l'eau, le logement, le travail... »
Quelle sortie de crise imaginez-vous ? Ben Ali peut s'en sortir ?
« Une sortie de crise je n'en vois pas. Il faudrait organiser une conférence nationale avec tous les acteurs, l'opposition, les syndicats...
Ça me paraît exclu. Aujourd'hui encore Ben Ali peut s'en sortir. Il s'appuie sur un appareil d'État très puissant, qui a les moyens de faire taire la population. Je ne suis pas inquiet pour Ben Ali mais pour les Tunisiens et la répression qui va suivre. »
Le web joue un rôle nouveau...
« Il y a une onde de choc en ligne, une contestation 2.0 qui souligne surtout l'archaïsme des gouvernants du Maghreb face à une jeunesse ancrée dans son époque. »
Et l'attitude de l'Europe et de la France, que vous inspire-t-elle ?
« L'attitude de Paris est conforme à ce qu'on pouvait en attendre. On devrait davantage s'indigner comme dirait quelqu'un. Mais vu les relations anciennes entre Paris et Tunis, il n'y a pas de surprise. Mais ce n'est pas une bonne chose pour la France, un jour elle devra rendre des comptes.
Quant à l'Europe, face à la Tunisie qui manque à sa parole depuis 20 ans notamment sur les droits de l'homme, elle ne réagit pas. » •
RECUEILLI PAR CH. C.