L’émotion est grande, aussi bien en Palestine que dans les milieux de gauche israéliens, où la mort de l’acteur Juliano Mer-Khamis est une tragique métaphore du pourrissement et de l’étouffement de la société palestinienne. Assassiné (peut-être) par des extrémistes palestiniens, le directeur du Théâtre de la Liberté de Jénine avait réalisé en 2003 un documentaire inoubliable, “Arna et les enfants de Jénine”, en hommage au travail théâtral militant de sa mère.
Juif et palestinien : il revendiquait ses deux origines, et sa vie était inscrite sur cette ligne de crête. Ligne de fracture. La mort du directeur du Théâtre de la Liberté, l’acteur Juliano Mer-Khamis, assassiné lundi à Jénine par plusieurs hommes masqués, est la métaphore tragique d’une société palestinienne au bout de l’enfermement, rongée de l’intérieur, s’autodétruisant, et qui anéantit jusqu’à ses propres fils et ses meilleurs soutiens. Né d’une mère juive et d’un père arabe israélien, ancien dirigeant du Parti communiste d’Israël, Juliano Mer-Khamis symbolisait à lui seul toute la complexité et la richesse de cette terre.
Tous ceux qui ont vu sur Arte Arna et les enfants de Jénine, l’extraordinaire documentaire produit et réalisé en 2003 par Juliano Mer-Khamis (avec Danniel Danniel) se souviennent de l’histoire poignante de sa famille. Ce film âpre et sans concession était d’abord un hommage à sa mère, Arna Mer, juive militante propalestinienne, une femme exceptionnelle qui avait reçu le prix Nobel alternatif, en Suède, pour son action associative. Dans le camp de réfugiés de Jénine, elle avait crée le Théâtre des Pierres, à la fin des années 80, pendant la première Intifada. Ce théâtre, qui avait été détruit par les Israéliens lors de leur attaque du camp en 2002, accueillait les enfants dans un espace de liberté, mais jamais vraiment hors du temps : Arna et les enfants de Jénine – dont on espère la reprogrammation prochaine sur Arte – racontait ce qu’étaient devenus, quinze ans après, certains des enfants acteurs de la maman de Juliano Mer-Khamis : Youssef, l’un des piliers de la troupe, avait abandonné son sourire pour mourir en kamikaze dans un attentat-suicide. Ala, fauché le fusil à la main lors de la bataille de Jénine de 2002, était mort sous les balles de l’armée israélienne…