LAMPEDUSA — "Il n'y a rien pour moi en Tunisie. La révolution n'a rien changé". Comme des milliers de Tunisiens arrivés sur la petite île italienne de Lampedusa, Sami Jassoussi est exténué, mais heureux, et rêve d'une nouvelle vie en Europe.
"La police nous frappait comme avant et l'économie est mal en point. Je pense que les choses seront mieux ici en Europe", déclare ce chauffeur routier de 31 ans, venu du port de Zarzis (sud de la Tunisie).
Comme lui, des centaines de Tunisiens vêtus de sweats à capuche, de vestes en cuir ou d'habits traditionnels, errent dans les rues de Lampedusa, minuscule île italienne située au sud de la Sicile et à 138 km des côtes tunisiennes, devenue leur porte d'entrée en Europe.
Ils expliquent comment ils ont entrepris vendredi un voyage risqué et coûteux en bateau pour fuir la misère et la répression policière un mois après la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali.
En cinq jours, quelque 5.000 clandestins, pour la plupart tunisiens, sont arrivés à Lampedusa. Un débarquement massif difficile à gérer qui suscite la vive inquiétude de Rome. L'Italie a demandé à l'Union européenne de l'aider à affronter cette "crise humanitaire".
Selon l'Organisation internationale des migrations à Genève, il n'y a pas eu d'arrivages de clandestins à Lampedusa dans la nuit et jusqu'en milieu d'après-midi lundi.
Lundi, l'armée tunisienne patrouillait dans les rues de Zarzis, d'où sont partis clandestinement des centaines de jeunes Tunisiens, pour tenter d'enrayer le flux des départs.
"J'avais une entreprise de construction là-bas mais il n'y avait pas de travail. J'ai donc dû laisser partir tous mes employés et je suis venu ici", raconte Audi, âgé de 40 ans et originaire de l'île touristique de Djerba, dans le sud du pays.
"Allez en Italie, laissez tomber la Tunisie", lance en passant un groupe de jeunes sur le chemin du centre d'accueil, où sont hébergés plus de 2.000 arrivants, après être allés acheter de la nourriture en ville.
Agé de 20 ans, Ayoub, raconte que son père a dû s'endetter pour verser 1.000 euros à des passeurs afin qu'il puisse quitter le pays. "Je travaillais dans un hôtel de Djerba mais tous les touristes sont partis à cause de la révolution (du jasmin, ndlr). Je veux juste un travail ici. Peut-être que j'en trouverai un en France", dit-il.
Nizar Ben Ammar, 30 ans, qui travaillait aussi dans un hôtel, montre des cicatrices sur ses mains, affirmant qu'il a été brutalisé par la police, ce qui l'a obligé à s'enfuir de Tunisie. "La révolution n'est pas finie. S'ils nous renvoient là-bas, ce sera le chaos", craint-il.
آلاف من الشباب التونسيون يلجئون الى ايطالي طلبا للعيش الرغد كما حلموا في شوارع تونس التي جثم عليها بن علي،
Depuis leurs balcons et leurs fenêtres, les habitants de Lampedusa, qui compte environ 6.000 âmes, observent les arrivants.
"Nous faisons en sorte qu'ils restent calmes afin d'éviter les tensions avec la population locale", indique un officier de police sous couvert de l'anonymat. "La situation est assez chaotique", ajoute-t-il.
Plusieurs centaines de ces Tunisiens ont déjà quitté Lampedusa en avion ou en bateau à destination de centres de rétention situés ailleurs en Italie pour faire des démarches administratives, notamment pour demander l'asile.
"Nous avons toujours accueilli les Européens en Tunisie. Maintenant, nous demandons aux Européens de nous aider", implore Nizar Ben Ammar.