Selon les informations parues la semaine dernière dans le Guardian, et ABC News, qui se basaient sur l'analyse d'experts du Moyen-Orient, la fortune des Moubarak pourrait atteindre 30 à 70 milliards de dollars, ce qui ferait du président Egyptien l'un des hommes les plus riches de la planète.
Mais il faut être très prudent à l'égard de ces chiffres, qui s'ils sont validés par certains experts, ne reposent pas sur grand-chose, comme le rappelle le professeur de politique au Moyen-Orient à l'Université de Durham, Christopher Davidson (Voir l'interview ici). Il est en effet très difficile d'estimer précisément les avoirs du clan : le secret des données financières, l'opacité de l'actionnariat des entreprises égyptiennes, autant que la peur d'un régime autoritaire ont limité la diffusion de l'information. Forbes, qui effectue chaque année un classement des plus grandes fortunes mondiales, doute fortement des estimations avancées. Pour le magazine américain, les experts cités par le Guardian et ABC News extrapolent à partir d'informations dont la vérification se heurte à des obstacles importants.
D'où vient cette fortune ?
Pour comprendre d'où vient cette fortune, il faut revenir à une époque où Moubarak n'était pas encore président d'Egypte. Bien avant 1981 en effet, Hosni Moubarak, alors officier général de l'armée, devient un puissant homme d'affaire qui négocie d'importants contrats d'armement, avec les Soviétiques notamment et les Américains. De ces contrats, Moubarak prélève d'importantes commissions qui, selon ABC News, constituent la base de son enrichissement. Lorsqu'il devient vice-Président, en 1975, il commence à acquérir des terrains de l'armée qu'il fait ensuite classer d'utilité publique, notamment dans les zones touristiques. Le prix des terrains flambe et il engrange de substantielles plus-values.
Mais pour bien comprendre comment Moubarak s'est emparé d'une partie de la richesse du pays, il faut avoir à l'esprit le fonctionnement économique de nombreux pays du Maghreb. Dans ces pays en effet, il est assez fréquent que les pouvoirs politiques exigent des entreprises étrangères s'implantant sur leur sol de donner à un partenaire local une part de leur capital. Ce système de joint-venture permet aux pouvoirs politiques de conserver la mainmise sur l'économie : n'importe quelle entreprise qui veut mettre un pied sur le territoire doit s'associer à une entreprise locale. En Egypte, la part détenue par les égyptiens dans les co-entreprises serait ainsi de l'ordre de 20%, selon les experts.
A l'occasion de ces deals, la famille Moubarak aurait capté une partie du capital des entreprises. Durant ses 30 ans de règne, le président égyptien aurait donc eu accès à tous ces investissements hautement profitables. Un des exemples de l'imbrication des intérêts privés et publics des Moubarak est Orascom. Ce géant des télécoms, qui dispose d'une joint venture avec France Télécom, a toujours été proche du clan Moubarak. Le fils ainé du président, Alaa Moubarak, est l'un des actionnaires importants du groupe. En retour, Naguib Sawiris, le président d'Orascom, sait qu'il dispose d'appuis politiques décisifs pour ses affaires. Ce qui ne l'a pas empêché de prendre récemment ses distances avec le régime.