La démocratie à coup de bombes. C’était donc, ça. En 2011 encore, le feu colonialiste, inchangé, c’est-à-dire criminel et désespérant. Ils savent qu’ils vont tout détruire, et soulever, en réplique, des forces violentes. Ils assument, car c’est le moyen pragmatique d’imposer leur loi. Malgré le Vietnam, ils n’ont pas changé.
La résolution 1970, qui saisissait la Cour Pénale Internationale était douteuse. Elle était a priori justifiée alors que le Conseil des Droits de l’Homme venait d’obtenir de l’Assemblée Générale de l’ONU, et sans opposition, la suspension de la Libye. Mais elle soulignait le double standard dans l’application du droit international. Deux ans après Plomb Durci, alors que les preuves s’accumulent et que la puissance occupante impose le blocus à la population qu’en droit elle doit protéger, le Conseil de Sécurité regarde passer les trains et le falot Obama oppose son véto à une résolution affirmant que la colonisation des terres palestiniennes est un crime.
J’ai ici approuvé le texte de la résolution 1973 qui instituait la no-fly zone motivée par la « responsabilité de protéger », instaurée par l’ONU en 2005. Les dirigeants libyens n’ont en rien contesté les crimes qui leurs étaient opposés, et ils affirmaient s’apprêter à en commettre d’autres.
Aujourd’hui, tout a changé. Le mandat n’est qu’un lointain souvenir. La France a tchatché, mais il est vite apparu que seuls les US faisaient le poids militaire. Ensuite, ils ont pris l’OTAN comme tenue de camouflage. Tous les grands impérialistes – US, Chine, Russie – voulaient tuer dans l’œuf cette responsabilité de protéger : c’est fait. On reviendra au « droit d’ingérence » qui permet tous les coups tordus, en toute moralité.
Aujourd’hui, le projet est clair, et bien éloigné du mandat : il faut dessouder Kadhafi. La guerre pour le pétrole ? A d’autres ! Il suffit de tendre la main pour faire le plein. La Libye est une session de rattrapage, et le loufoque Kadhafi une cible idéale. Les US, la France et la Grande-Bretagne n’ont rien vu venir en Tunisie, en Egypte, et dans le monde arabe. Ils s’étaient calés sur le péril islamiste qui permettait de soutenir toutes ces dictatures serviles et de faire voter à la pelle les lois de contrôle social dans leur pays.
Aujourd’hui, ils doivent composer avec ces peuples arabes qui se lèvent, car il est hors de question de lâcher la mainmise sur la région.
Les US de Bush ont détruit l’Irak aussi tranquillement que les pères fondateurs avaient exterminé les Indiens. Ils ont, par la force des armes, démantelé tout ce qui faisait ce grand pays, organisant la guerre entre les communautés pour justifier leur maintien. Bagdad vit avec des murs qui séparent les quartiers, et toute la société s’est écroulée. C'est le schéma qui s'annonce pour la Libye.
La démocratie par les bombes, et blanchir les arabes : les lubies guerrières d’esprits arriérés, même quand ils ont été prof de droit constit’ à Chicago. En fait, quand il était prof à Chicago, il n’y avait rien à dire. Mais sa fin a commencé avec le début de sa gloire, quand les poids lourds de l’armement sont venus financer sa campagne.
La Libye, une dictature au dictateur choyé par les grandes puissances, avait un avenir bien sombre. Accélérant le processus de désintégration, les colonialistes livrent désormais des armes à ceux qu’ils voulaient éradiquer il y a quelques semaines encore. La vie internationale reste soumise à la loi de la jungle. Mais c’est trop, et ça se voit trop.
Alors, que dire aux Libyens des deux rives ? Juste l’espoir fou qu’ils puissent trouver le chemin de la réconciliation, et renvoyer leurs agresseurs au diable.