Décontracté et souriant, en pull-over à col roulé gris, des petites lunettes rondes et un crâne rasé qui lui donnent une allure d’universitaire contestataire américain des années soixante, c’est dans un somptueux bâtiment au grand escalier de marbre qui abrite les bureaux du Premier ministre, au coeur de Tripoli, que Seif el-Islam, 39 ans, le deuxième fils de Muammar Kadhafi, reçoit "Le Point". Il est 23 h 30, ce lundi 28 février.
( Propos recueillis par Mireille Duteil, à Tripoli )
L’est du pays est aux mains de l’opposition. Qu’allez-vous faire ?
Il n’y a que deux ou trois villes qui sont aux mains des opposants. Cela ne représente pas plus de 8 % du pays. De plus, il ne s’agit ni d’un groupe structuré d’opposants ni de militaires, mais de gens non organisés.
En Libye, comme en Tunisie et en Égypte, ce sont des jeunes, des gens ordinaires, qui ont fait la révolution.
Non, en Libye, c’est totalement différent. En Tunisie et en Égypte, un mouvement populaire s’est emparé des rues. Il y avait des manifestations tous les jours, la population descendait par millions dans la rue. En Libye, il n’y a pas eu de mouvement de masse, même à Benghazi.
Comment cette minorité peut-elle contrôler la ville ?
Elle ne contrôle pas la région. Celle-ci fait 1,5 million d’habitants. Allez voir vous-même.
Les ONG parlent de 233 morts à Benghazi, de centaines à Tripoli. Pourquoi ces morts s’il y a si peu d’opposants ?
Il faut avoir les bonnes informations. 90 % des dégâts ont eu lieu en face des commissariats de police et des casernes. Les manifestants les ont attaqués pour prendre des armes. Cela a été filmé par des gens.
Dire que nous avons tiré sur des civils, c’est faux. C’est le plus grand des mensonges.
Pourquoi autant de personnes fuient-elles le pays ?
Tout d’abord, c’est vrai que, la semaine dernière, il a été difficile de joindre la Libye. C’est une réalité. Nous affrontons une campagne médiatique très agressive à travers Al Jazeera et Al Arabiya. Les gens regardent la télévision et ils croient ce qu’ils voient. Vous êtes à Tripoli, voyez par vous-même.
L’ensemble du monde arabe conteste ses dirigeants, pourquoi pas en Libye ?
C’est une grande vague, c’est un fait. C’est normal. Ce qui n’est pas acceptable, c’est de dire que des centaines de personnes ont été tuées, que des avions de l’armée ont tiré sur les civils à Tripoli. Allez voir vous-même.
Pourquoi le Conseil de sécurité, y compris la Chine et la Russie, qui sont vos amis, a-t-il voté en faveur de sanctions ? Parce que notre ambassadeur aux Nations unies a changé de camp. C’est énorme.
L’ambassadeur aux Nations unies, celui de Paris, bien d’autres encore, des généraux, le ministre de la Justice ont fait défection...
Différentes raisons les ont poussés à partir. Certains ont subi des pressions, d’autres ont eu peur... Ce n’est pas correct, mais c’est ainsi. Et on raconte que nous bombardons Tripoli... Voyez par vous-même.